La SCIC, l’autre forme juridique pour les projets sportifs ambitieux

9 Mar 2024 | Développement | 1 commentaire

La Société Coopérative d’Intérêt Collectif (S.C.I.C.), est une société commerciale qui a pour but la fourniture de biens et/ou de services d’intérêt collectif mais aussi d’utilité sociale. C’est cette notion d’utilité sociale qui fait que cette forme juridique est adaptée à certaines associations sportives.

Lesquelles ? Dans quelles conditions ? Quels sont les avantages et les inconvénients de cette forme juridique.  C’est pour répondre à ces questions que j’ai interviewé Dimitri Guanel, Expert-comptable diplômé auprès du cabinet EY.


Article co-écrit avec Dimitri Guanel, expert-comptable diplômé  auprès du cabinet EY. Spécialiste de l’Économie Sociale et Solidaire.


Qu’est-ce que la SCIC ?

La SCIC est donc une société commerciale, c’est-à-dire avec des fonds apportés par des personnes physiques ou morales. Nous parlerons du capital. Ce capital apporte les moyens d’actions et de développement auquel la structure aspire.

Le caractère d’intérêt collectif permet à plusieurs personnes physiques ou morales (les associés) de se rassembler autour d’un projet. C’est la force de la SCIC : réunir toutes les parties prenantes autour d’un projet. Ces parties prenantes peuvent être à la fois, des associations, des sociétés commerciales mais également les pouvoirs publics (la participation peut aller jusqu’à 50% du capital).  Le plus souvent c’est un projet local, qui du fait des besoins liés à sa réalisation, fait déjà l’objet d’une coopération entre plusieurs structures ou acteurs.

Le caractère d’utilité sociale implique que le projet, est nécessairement tourné vers d’autres publics que les seuls adhérents ou associés. Cela peut aussi bien être les habitants d’un territoire que les entreprises ou d’autres associations. Dans notre cas de figure, le caractère d’utilité sociale s’exprime également par le fait que le sport se doit d’être accessible à la plus grande partie de la population. Favoriser certaines pratiques ou certains publics, c’est ce que l’on appelle être dans l’économie de la réparation. Le but est de produire un impact qui dépasse la seule production d’activités économiques. Le caractère d’utilité sociale doit figurer dans les statuts ainsi que l’évaluation de l’impact.

« Dans la SCIC, l’argent est au service du projet et non l’inverse. »

Et nous savons tous la place centrale qu’a pris la notion de projet dans nos associations. Je pense à tous les clubs qui fonctionnent déjà de façon régulière avec des collectivités. A tous ceux qui ont un projet qui dépasse le cadre stricte de la pratique sportive, à ceux qui fonctionnent en groupement d’employeurs, et enfin à ceux dont les ambitions sportives les amènent à travailler depuis longtemps avec des partenaires privés et publics.

La gestion de la fiscalité et des excédents

Pour un dirigeant d’association loi 1901, les questions de la fiscalité et de la répartition des excédents sont les premières craintes. En tant que société, les encaissements de la SCIC sont assujettis aux impôts commerciaux. La structure va collecter la TVA sur la vente des biens et services, mais elle peut aussi récupérer cette TVA sur les achats qu’elle va faire. Cela peut avoir un impact sur le coût de la prestation.

Les statuts de la SCIC protègent l’usage qui est fait des excédents : légalement 57,5% minimum des excédents doit être réinvestit dans le projet. Mais il suffit d’un vote de l’assemblée général (ou statutairement à la création de la société) pour que ce seuil soit augmenté. Il peut même être porté à 100%.

Qui peut être associé d’une SCIC ?

Les dirigeants de l’association, ses adhérents, les salariés, les collectivités locales, des fournisseurs ou des entreprises partenaires historiques de l’association peuvent parfaitement devenir associés de la SCIC. Il n’existe pas de limite sauf celle de l’intérêt pour le projet collectif.

En siégeant au conseil d’administration (ou autre organe en fonction de la forme commerciale adoptée) d’une SCIC, la collectivité locale change de posture. Elle passe du soutien à une association à une participation active au projet de territoire. La SCIC peut toujours recevoir des subventions (pas les mêmes que celles des associations loi 1901) et elle peut réellement travailler avec les collectivités.

Qui détient le pouvoir dans une SCIC ?

Autre préoccupation fréquemment exprimée : la crainte de perdre le pouvoir au profit de personnes ou de structures extérieures, avec le risque de dénaturer le projet. Dans une SCIC, le principe est simple une personne = une voix. Le pouvoir n’est donc pas réservé à la structure ou la personne qui apporte le capital le plus important. Les associés sont placés sur le même pied d’égalité. L’idée de la SCIC est de prendre part à des discussions partagées. Si vous choisissez bien vos associés, il y a peu de risque de voir l’objet de la SCIC s’écarter du projet.

Quand peut-on imaginer passer d’une association à une SCIC ?

Lorsque l’intérêt du projet collectif est partagé entre les différents partenaires de la SCIC, la question de la transformation de l’association en SCIC est opportune. Ou lorsque la forme associative montre ses limites au développement du projet. Typiquement lorsque les services de l’association profitent à un territoire, à ses habitants. Ou lorsqu’un club de niveau national dispose d’un tel niveau de confiance et d’échanges avec ses partenaires, que la SCIC permet l’arrivée de plus de capitaux pour développer davantage le projet. La rentabilité ne doit pas être la seule motivation des apporteurs de capitaux. Car leurs rendements sont encadrés.

En adoptant un statut de SCIC, la structure va aussi acquérir une nouvelle dimension. En France, on accorde plus de crédit à une société qu’à une association. La société est synonyme de professionnalisation, d’organisation. Elle fait aussi l’objet de contrôles.

HBF3M

En passant sous statut SCIC, la structure ouvre la possibilité de rémunérer ses dirigeants, au-delà de la limite des trois quarts du smic, ouverte pour le moment aux associations d’intérêt général. Diriger une association est de plus en plus un travail à temps plein. La professionnalisation des dirigeants n’est pas suffisante pour garantir la connaissance des règles et des lois, mais elle facilite incontestablement l’accession de professionnels de la gestion à la gouvernance des structures.

Questions à Dimitri Guanel : Pour devenir associé de la SCIC, les dirigeants élus de l’association peuvent-ils le faire à titre personnel ou en tant que représentant de l’association ?

– Les parts ou actions sont souscrites en leur nom propre. Si les dirigeants font partis d’associations, les apports sont faits au nom des associations.

Et comment contrôler qui veut entrer comme associé ?

– Il n’y a pas de contrôle. L’enjeu est de s’accorder sur le projet et les modalités de sa mise en œuvre. L’objectif de la SCIC est la création de valeur équitable pour toutes ses parties prenantes.

Le fonctionnement de la SCIC

En tant que société commerciale, elle peut prendre diverses formes : la SA, la SARL, la SAS. Le capital apporté n’est pas corrélé au poids des décisions. Le projet de la SCIC oblige à se parler et à travailler ensemble.

Le capital minimum dépend de la forme commerciale adoptée. En SA : 18 500 €. Pas de capital minimum pour la SAS et la SARL (librement fixé dans les statuts). Le montant du capital doit être en adéquation avec le niveau d’investissement attendu.

La gouvernance de la SCIC est fonction de la forme sociétale adoptée. Ils peuvent désigner des dirigeants qui rendront compte de la gestion de la SCIC. A la façon d’une association, les décisions les plus importantes sont prises par l’organe qui administre la structure. Les dirigeants fonctionnent comme le bureau directeur d’une association.

En AG de SCIC le principe est un associé = une voix. Tous les associés ont le même poids, indépendamment du capital apporté.

Un minimum de 57,5% du résultat doit être réinvestit dans le projet collectif. Mais ce montant peut être porté à d’autres valeurs par l’AG (ou les statuts), jusqu’à 100% si les associés l’estiment nécessaire.

Outre des statuts spécifiques, la SCIC doit accompagner ses comptes annuels d’un rapport de gestion. Ce contrôle permet de s’assurer que l’entreprise relève bien toujours du statut particulier de la SCIC. Ce n’est pas le rapport de gestion, mais le rapport de révision coopérative. Cette révision coopérative doit intervenir tous les 5 ans.  Ce contrôle permet de s’assurer de l’organisation et du fonctionnement de la SCIC aux principes et règles de la coopération.  

Le but de la SCIC est de fournir des biens et/ou des services rémunérés. Ce potentiel économique est un des points communs avec ce que font les associations lorsqu’elles proposent des services à des entreprises partenaires, ou lorsqu’elles participent activement à l’animation de son territoire.

Quels sont les profils types de clubs susceptibles d’évoluer en SCIC ?

Comme nous l’avons décrit, les associations les plus à même d’évoluer vers le modèle SCIC sont celles qui ont déjà un projet ouvert sur leur territoire et avec leur environnement économique. Elles permettent aux salariés de devenir associés. Légalement, ils sont obligatoirement associés. Ce sont des structures qui disposent déjà de quelques salariés, et celles qui proposent déjà des services à une catégorie de personnes ou d’entreprises. Elles ont donc déjà une dimension économique significative.

Ce pourraient être des clubs qui évoluent déjà dans des championnats de France amateurs, qui sont arrivé à un palier de développement, aussi bien avec les partenaires privés qu’avec les collectivités locales et pour lesquels un apport supplémentaire permettrait de développer le projet.

Cela pourrait être des clubs dont le fonctionnement est assuré principalement par des salariés. Je pense à des centres équestres.Comme cela est envisageable pour les sports de nature. Certaines structures ont développé des prestations qui s’apparentent parfois à du tourisme sportif.

En conclusion, la SCIC est un outil au service du projet. A cette condition, le changement de forme juridique peut sérieusement être envisagé. Pour le réussir, il est préférable d’être accompagné de spécialistes de la question.

Adressez-nous vos questions sur le sujet. Nous y répondrons dans une prochaine newsletter.

Dimitri Guanel et Thierry Nauleau


Crédit photos : HBF3M

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