Les conséquences de la crise économique pour le foot amateur

27 Avr 2020 | Économie | 1 comment

L’annonce de Noël Le Graët d’un plan d’aide au foot amateur de 12 à 15 millions d’euros, a attisé le mécontentement des dirigeants des clubs de football amateur. Car dans le même temps, les fédérations de rugby et de tennis débloquent chacune 35 M euros pour aider le secteur amateur.

Les raisons sont nombreuses et ne datent pas d’hier. Nous avons donné la parole à Patrick Gonzalez, président de l’AS Saint-Priest, qui est l’auteur de deux courriers adressés à Mr Le Graët. Le 2 puis le 14 avril et un à la ministre des sports, madame Roxana Maracineanu, le 17 avril, tous restés sans réponse.

Ce sont désormais plus de 3000 représentants des clubs amateurs qui soutiennent cette initiative pour exhorter Noël Le Graët à la concertation.

Les décisions de la FFF d’arrêt des championnats amateurs, alors que les professionnels et la N1 pourraient continue. Et surtout les règles de départage des clubs qui diffèrent selon les championnats, ont ravivé un mécontentement qui se transforme en colère contre les structures fédérales.

Des clubs exemplaires ne sont pas épargnés par la crise

De par sa réussite sportive, éducative et sociale, l’AS Saint-Priest est plutôt un modèle du genre et une vitrine de ce que le football amateur fait de mieux. 550 licenciés encadrés par une centaine d’éducateurs et de bénévoles. L’équipe phare en N2, les U17 en nationale, et les autres équipes au meilleur niveau régional. Des actions à caractère social et citoyennes. Un club labellisé. Comme le souligne Patrick Gonzalez « C’est avant tout un club formateur. On est reconnu pour la formation des jeunes, dont plusieurs ont intégrés des clubs pros. » 

Malgré les aides exceptionnels du gouvernement, les 15 000 clubs de football amateur ont des coût fixes importants, notamment pour les salaires ou le défraiement des éducateurs bénévoles. Ce qui rend presque impossible le maintien d’un équilibre économique pendant et après la sortie de crise. Le reste à charge, lorsque les aides sont déduites, risque de contraindre de nombreuses associations à la faillite lorsque se présenteront le paiement des charges et les prélèvements des districts, ligues et fédération.

Un déséquilibre au profit des structures fédérales qui agace

La balance entre ce qui est reversé aux clubs au regard de ce qui leur est prélevé devient insupportable pour des dirigeants bénévoles.

PG : « La problématique est qu’on reverse énormément d’argent à la fédération, à la ligue et au district. Ils nous demandent toujours plus, alors que tous les dirigeants des clubs amateurs, nous sommes des bénévoles. On met du temps et de l’argent. On le fait par passion pour le football.

Il faut aider tous les clubs amateurs du niveau district (départemental) à la nationale 1, car si les clubs amateurs meurent, le football professionnel mourra aussi. Sans les centres de formation, qui poursuivent la formation des jeunes commencée dans les clubs amateurs, sans les joueurs issus de nos clubs, il n’y a pas de football professionnel. »

Remettre les choses à leur place

La fédération française de football, qui comptait au 31 janvier 2020 1933680 licenciés (source FFF) et 15000 clubs affiliés, propose un plan de soutien au football amateur de l’ordre de 12 à 15 millions d’euros. Alors que la fédération française de rugby, qui ne comptait que 258000 licenciés en 2018 pour 1900 clubs, a déjà dressé les contours de son plan de relance à 35 M euros.

Le football amateur n’a pas les moyens des ambitions qu’on lui prête

Au vu des moyens dont dispose la FFF, les dirigeants des clubs amateurs ne comprennent pas ce manque de volonté pour soutenir les clubs.

PG : « Plus de 4 000 clubs ont fermés ces quatre dernières années. A chaque club qui disparait, ce sont autant d’actions sportives pour les jeunes, sociales, éducatives et citoyennes qui disparaissent. »

Des conséquences directes sur la capacité d’accueil des clubs

PG : Avant le coronavirus, c’était dur mais on s’en sortait. A l’énergie. Mais avec le corona, les entreprises qui sont nos sponsors cherchent à préserver leurs emplois, leur activité. C’est logique. Et beaucoup nous ont déjà annoncé qu’ils ne pourraient pas renouveler leur partenariat l’an prochain. 

TN : Avec quelles conséquences pour le club ?

PG : « La conséquence est que sans ressources, nous serons obligés de licencier des éducateurs. Et avec moins d’éducateurs, c’est moins de disponibilité, moins de capacité d’accueil pour encadrer les enfants. Avec moins de bénévoles pour animer et encadrer, ce sont nos actions solidaires et citoyennes qui devront être réduites ou annulées. Des stages sportifs devront aussi être annulés. »

« L’ASSP tient toute sa place et tout le rôle que les élus locaux attendent de l’association. Cette confiance a rendu possible la construction d’infrastructures voulues par la commune. Et ce n’est pas seulement au bénéfice des enfants. Si vous comptez les enfants qui jouent, les parents qui aident, les écoles, les stages pendant les vacances, et nos animations, ce sont bien 2000 personnes qui sont directement concernées par les activités du club. »

Tombola solidaire : L’action d’un club dépasse souvent largement le cadre sportif. Comme d’autres, l’ASSP organise une action solidaire pour venir en aide aux hôpitaux de la Ville et au CCAS de Saint-Priest, et maintenir quelques recettes club pendant le confinement. Une Tombola Solidaire a été mise sur pied avec un concept intéressant : chaque tranche de 500 billets vendus débloque une nouvelle série de lots.

Et les clubs de district sont dans la même situation. Un président de club de district D4 me disait : « ils ne se rendent pas compte. Mes 2 tournois me rapportaient 5000 euros. C’est ce qui faisaient vivre le club. »

Et de l’autre côté, le district nous demande de payer le prélèvement de juin, sous peine d’être rétrogradé. C’est une double peine !

Je ne veux laisser personne sur le carreau. Notre proposition vise par-dessus tout préserver l’équité sportive pour tous les clubs.

  • Aucune descente
  • Pas de saison blanche, car la Fédération Française de Football devrait tout rembourser ( licences, amendes, frais d’arbitrage etc.) et elle ne le veut pas.
  • Et une aide financière

Les 300 millions d’euros que l’on réclame sont à répartir sur plusieurs années. En quatre ans, on a déjà perdu 4000 clubs. Combien vont fermer si l’on ne fait rien ?

Des clubs dépendants de recettes externes

Pour conserver un prix d’adhésion raisonnable, beaucoup de clubs amateurs ont choisi d’organiser des manifestions et des animations à but lucratif.

Pour les clubs de N3, je constate une moyenne de 19.7% de recettes d’activités lucratives pour les sports collectifs, avec quelques disparités.

Données statistiques Nauleau Sport

Pour ces mêmes clubs de N3, je constate une moyenne de 25,3% de partenariats pour les sports collectifs, avec quelques disparités.

L’annulation des manifestations et la perte d’une majorité de sponsors va entrainer une perte de l’ordre de 30 à 45% des recettes des clubs sur les saisons 2019/2020 et 2020/2021.

La perte de partenariats sera plus durement ressentie sur les clubs de N3 à région, car leurs sponsors sont majoritairement des commerçants et artisans.

Quelles solutions pour compenser ce manque à gagner ?

La première urgence pour les clubs est de tenir, économiquement parlant. On peut toujours se faire plaisir à imaginer ce que sera le sport de demain. La réalité des clubs est plus concrète et immédiate. Ils ont besoin de solutions de trésorerie immédiates !

Pour repartir, il faudra tenir !

Le COSMOS donne les statistiques des dispositifs utilisés par les employeurs de la branche du sport.

76,4% des structures employeurs ont eu recours à l’activité partielle. Qui propose une allocation correspondant à 70% de la rémunération brute. Problème : à la date du 22 avril, le versement des indemnités dues au titre du mois de mars n’étaient toujours pas versées. Ils sont moins de 10% à avoir sollicité le Fonds de Solidarité et le prêt PGE.

Le fonds de solidarité et le prêt PGE apportent une réponse au besoin de trésorerie plus rapide. De 8 à 12 jours pour le fonds de solidarités entre la demande et l’octroi de l’aide. De 10 à 17 jours pour le prêt PGE. Mon conseil est de privilégier ces mesures pour raccourcir le délai d’octroi d’une aide de trésorerie.

Solidarité et créativité : d’autres façons de vendre du sport

Le problème est que le cycle d’exploitation des clubs leur impose un calendrier des encaissements annuel. Les adhésions se font à la fin des vacances d’été pour la plupart des sports, en début d’année civile pour d’autres. Les stages, lorsque les clubs les proposent payants, sont calés sur les vacances scolaires.

La solution est d’étendre ces périodes d’encaissement à toute l’année.

En prenant exemple sur le site solidaire jaimemonbistrot.fr, un club peut tout à fait proposer à ses pratiquants d’acheter des bons d’achats immédiatement. Ils seront utilisables pour toute dépenses au cours de l’année à venir, adhésion, produits et services proposés par le club. La taille de la grande majorité des clubs sportifs leur permet de traiter cela avec quelques bénévoles et un tableur. Pour ceux qui voudraient plus de détail, je vous donne rendez-vous dans les colonnes de la prochaine newsletter. A paraitre jeudi 30 avril. Abonnez-vous.

Thierry Nauleau


La newsletter « les bénévoles du sport »

Chaque mois, retrouvez mes conseils économiques, de gestion, d’organisation, et de communication réservés à mes abonnés. + des #BonnesPratiques + une revue de presse utile au dirigeant.

Conseil du jeudi 30 avril : Comment mettre en place simplement un système de bons d’achat ?

Conformément aux préconisations du RGPD, nous ne collectons que les informations nécessaires. Merci.

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